- Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures
- Les persiennes, abri des sécrètes luxures,
- Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés
- Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
- Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,
- Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
- Trébuchant sur les mots comme sur les pavés
- Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.
- Ce père nourricier, ennemi des chloroses,
- Éveille dans les champs les vers comme les roses;
- Il fait s'évaporer les soucis vers le ciel,
- Et remplit les cerveaux et les ruches le miel.
- C'est lui qui rajeunit les porteurs de béquilles
- Et les rend gais et doux comme des jeunes filles,
- Et commande aux moissons de croître et de mûrir
- Dans le cœur immortel qui toujours veut fleurir!
- Quand, ainsi qu'un poète, il descend dans les villes,
- Il ennoblit le sort des choses les plus viles,
- Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets,
- Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
Charles beaudelaire, Les Fleurs du mal, 1857
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